H-A Logo histoires d'Afrique blanc
Par Samuel Delengaigne Keïta

Le bogolan, tissu noble Ouest africain

« Le noir est le refuge de la couleur. »

Gaston Bachelard.

Dans notre tour du continent pour faire-valoir ses valeurs, ses coutumes, ses rites et ses savoirs faire, Histoires d’Afrique vous propose de vous arrêter un temps un savoir manuel bien africain et très populaire : le bogolan !

Très grand bogolan du Mali (194cm X 220cm) - Africouleur

Tout d’abord, « Bogolanfini » en bamanankan (langue des bamanans) signifie « issue de la terre ». Ce produit textile très populaire en Afrique de l’ouest dont le nom désigne aussi bien la matière que le procédé avec lequel on la colore fait office de tenue traditionnelle originaire de la région de Bélédougou, une région du centre du Mali, mais le fameux textile peut se dénicher en Côte-d’Ivoire, au Sénégal, au Burkina Faso voire en Guinée Conakry.

Les ethnies confectionnant cette cotonnade sont les Sénoufos, les Dogons, les Malinkés et les Bamanans(Bambaras). Des populations que nous pouvions retrouver dans les frontières de l’ancien empire du Mali qui s’étendait du lac Tchad à l’est jusqu’aux côtes de l’actuel Sénégal à l’ouest. 

La fabrication du bogolan est à la base artisanale. Le coton blanc est filé par des femmes et tissé par des hommes en bandes de 10 à 15 centimètres. Par la suite des décoctions à base de produits naturels tels que certaines écorces ou bien certaines feuilles comme le ngalama, de ses noms scientifiques : Anogeissus leiocarpa ou Terminalia leiocarpa. 

Fichier:Anogeissus leiocarpa MS 4185.JPG — Wikipédia

Les feuilles de cet arbre permettent d’obtenir les couleurs ocres et brunes en plus des vertus médicinales qui leurs sont attestées. Le tanin secrété par les décoctions et fixé sur le tissu fait l’objet d’une réaction chimique lorsque le fer de la terre argileuse rentre en contact avec ce dernier. Cela permet d’obtenir le noir si intense que revêtent certains bogolans. La boue utilisée pour les confectionner aurait une symbolique particulière : cette terre ferrugineuse viendrait des barbotières où résident les âmes des ancêtres.

Elle serait dotée de vertus protectrices envers la personne qui la porte. C’est pour cela que les chasseurs et les femmes qui accouchent ou en cérémonie d’excision le portaient. Ce fut aussi du textile réservé aux riches ainsi qu’aux dignitaires. Il faisait également son apparition durant les grands événements comme les mariages ou autres cérémonies religieuses. Les personnes les plus modestes devaient s’accommoder d’un bogolan sans motifs et ayant pour couleur unique du blanc, du jaune ou du rouge.

Le bogolan est une technique d’expression, de transmission de valeurs et de connaissances par ses motifs. Les motifs sont sombres mais il en existe une multitude rendant le bogolan unique. Parmi les motifs les plus fréquents nous pouvons observer des animaux tels que des crocodiles, des éléphants et des lions ou encore les batailles du XIX ème siècle contre les troupes coloniales.

Bogolan du Mali

Des scènes de la vie quotidienne pouvaient également être représentées. Des épisodes mythologiques et événements liés à la nature peuvent être incrustés, dessinés sur le tissu.

Le bogolan est unique par sa fabrication mais aussi par les scènes que son créateur met en valeur. Concernant les couleurs plus claires il semblerait que les choix originels se soient tournés vers de l’arachide ou des céréales afin de créer un contraste avec le noir profond du textile.

Making bogolan (mud cloth) on | Stock Photo

Ce produit textile qui fait aujourd’hui fureur est exporté aux quatre coins du continent africain et vers l’occident. Le bogolan fait rêver et voyager son hôte vers des terres qui paraissent encore lointaines. Ce n’est pas pour rien si les stylistes du monde entier se l’arrachent. En effet, grâce à Chris Seydou, un styliste et couturier malien né à Kati en 1949 et mort en 1994, le bogolan a le vent en poupe.

Chris Seydou, le bogolan dans la peau - Hamadar

Dans les années 1980, ce couturier (l’homme vêtu de blanc au centre de l’image) a travaillé de manière à mettre en valeur ce savoir faire et le public semble reconnaître les fruits de son travail. Cependant, la forte demande en bogolan contraint l’artisanat à se moderniser d’avantage et tout le monde semble s’être emparé de la précieuse cotonnade.

Certes, le bogolan est accessible au monde entier notamment grâce aux progrès comme l’impression digitale, mais il semble avoir perdu de son aura. La notion de protection ainsi que les motifs traditionnels perdent leur place petit à petit… La tradition n’est plus reine quand l’imagination et les envies mènent la danse. C’est un point que les stylistes ont parfaitement compris.

En guise de conclusion, pouvons-nous penser que la perte des bases traditionnelles dans la confection des bogolans est anormale et signifie obligatoirement la fin d’une ère ?

Nous pouvons observer cela comme une continuité, une évolution voire une finition d’un produit qui était déjà cité parmi les plus beaux textiles en dehors de l’Occident.

Quoiqu’il en soit, les avis sont formels le bogolan coule encore de beaux jours devant lui.

Populaires

Réseaux Sociaux

Newsletter

Sois toujours à la page

Pour ne pas louper nos nouveautés !

Ici pas de spams, c’est un mail par semaine !

Categories

Tendances

Articles similaires

Thomas Mapfumo chanteur concert

Thomas Mapfumo, l’héritage d’un artiste révolté

Pour se pencher sur le fameux personnage de Thomas Mapfumo, il est important de faire

Sarah Baartman la vénus Hottentote

Sarah Baartman

Les zoos humains pendant la traite négrière Nous sommes en 1810, pleine période d’esclavagisme et

Projection de Africa Mia, film documentaire sur Las Maravillas de Mali. Ciné Scred.

Projection Cine SCRED : Africa Mia

C’est au centre Curial, dans le 19ème arrondissement parisien que nous nous sommes retrouvés le