On estime qu’il y’a aujourd’hui autour de 500 millions de musulmans en Afrique.
Avec environ 206 000 000 habitants dont 105 millions de musulmans, le Nigéria compte aujourd’hui la plus large communauté de confession musulmane en Afrique.
Dans le top 5 des nations qui comptent le plus de fidèles, on retrouve également l’Egypte, l’Algerie, le Soudan et l’Ethiopie.
Contexte historique
L’islam est apparu en Afrique dès le milieu du VIIe siècle. Il se propage d’abord au nord du continent par les conquêtes arabes.
Les réseaux commerciaux, puis religieux, s’étendent ensuite rapidement vers Madagascar, le long de la côte Swahili et jusqu’à l’Indonésie, en passant par la Mer Rouge, Oman, le Golfe Persique et l’Inde. D’après la tradition musulmane, dès l’hégire, des compagnons du prophète s’étaient déjà réfugiés en Éthiopie pour fuir les persécutions subies en Arabie.
Cependant, les premiers témoignages archéologiques – donc matériels – d’une présence de la religion musulmane au sud du Sahara datent du 8e siècle, à Shanga sur la côte swahilie à l’Est de l’actuel Kenya, où l’on a mis au jour les vestiges d’une mosquée.
Les premiers pas de l’Islam en Afrique
L’islam, avant de gagner les régions subsahariennes, a d’abord étendu son influence sur l’Afrique du Nord. Le califat des Omeyyades, qui a pour capitale Damas, s’étend rapidement sur toute l’Afrique du Nord, gagne la péninsule ibérique, mais aussi vers l’est, où il atteint les portes de l’Inde ! Les populations autochtones, Amazigh (plus communément connues sous l’appellation péjorative berbères) sont vite conquises et leur territoires occupés.
Les seuls échanges avec le sud du Sahara se font à l’Est sur la corne de l’Afrique et sont essentiellement marchands. Un traité entre l’Egypte et le royaume chrétien de Makuria (Nubie) négocié en 652, communément désigné sous le nom de baqt, garantissait la fin des hostilités et permettait la libre circulation des biens et des personnes de part et d’autre de la frontière égypto-nubienne.
Ce même accord prévoyait également la livraison annuelle par les Nubiens d’un nombre déterminé d’esclaves (entre 360 et 400 selon les sources) en échange du versement de denrées alimentaires (céréales, vin…) et de produits manufacturés, notamment textiles.
L’Égypte de l’époque, successivement colonisée par les Perses puis l’empire byzantin en l’espace de 20 ans était soumise à l’autorité byzantine lors de la conquête arabe. Les haines de partis qui divisaient les Grecs et les haines religieuses qu’ils nourrissaient contre les coptes avaient facilité l’action des envahisseurs. Les élites byzantines n’avaient pu susciter un esprit de résistance populaire et l’aide de la métropole. Voilà comment à partir de l’an 642, après les chutes successives de Babylone et d’Alexandrie, l’Egypte tomba sous le joug des arabes.
De fait, dès le milieu du VIIe siècle, des marchands musulmans se sont installés sur la corne de l’Afrique, et plus au sud, de Mogadiscio jusqu’à Zanzibar et Kilwa. Ils y resteront pour toujours, concluant des mariages, se mélangeant à la population locale. On assiste ainsi à l’émergence d’une culture dite « swahilie », hybridation de cultures locales « africaines » et de cultures arabe.
Les Almoravides et l’arrivée de l’Islam en Afrique de l’Ouest.
C’est vers le IXe siècle que l’Islam commence à gagner réellement l’Afrique subsaharienne sous la poussée influente des Almoravides.
« Le Ghana le Mali et le Sénégal n’ont pas tardé à s’islamiser à partir du Xe siècle, sous l’ influence du mouvement almoravide. » affirme le scientifique, historien et anthropologue sénégalais Cheick Anta Diop dans son ouvrage l’Afrique Noire Précoloniale.
Les Almoravides sont une dynastie berbère et sunnite, formée de moines-guerriers comparables en quelque sorte aux Templiers chrétiens.
Au début du XIe siècle, on assiste en effet à la formation d’une communauté religieuse, à vocation prosélyte, autour d’un prêcheur nommé Abd Allâh ibn Yâsin. Cette communauté se sédentarise vers 1048 dans une ville-camp (ou ribât) probablement située au Sénégal, dont les Almoravides tirent leur appellation : al-murâbitûn, leur nom arabe, signifie « les gens du ribât » qui donnera plus tard, par déformation, le terme marabout en Français. D’autres historiens considèrent que ce centre n’a pas existé en tant que tel, et que leur dénomination fait plutôt référence à l’activité des membres de la communauté, qui, en tant que guerriers nomades, allaient de ribât en ribât, ce qui semble, selon nous, être une explication plus vraisemblable.
Les premiers Almoravides suivent un islam rigoriste, mènent une vie austère, et développent une idéologie de la guerre sainte (Djîhad) qui les pousse, sous l’égide d’un chef de guerre (Yahya) issu de la tribu des Lamtûna, à lancer leurs premières expéditions militaires, dirigées contre les Noirs non islamisés des pays situés autour du fleuve Niger.
Dans les années 1060, menés par Abû Bakr ibn ‘Umar al-Lamtûni puis par Yûsuf ibn Tashfîn, les Almoravides imposent leur domination sur l’ensemble de l’espace maghrébin jusque sur l’al-Andalûs et possèdent déjà une influence commerciale dans l’Afrique subsaharienne. À la fin du XIe siècle, la dynastie almoravide est donc non seulement fondée, mais aussi solidement installée sur un espace qui s’étend du sud de l’Espagne jusqu’au Sénégal.
Expansion de l’Islam en Afrique centrale
Les premiers contacts de L’Islam avec l’Afrique Noire se font par les régions côtières, cependant certaines régions de l’intérieur des terres sont les premières à embrasser cette religion.
Le Kanem – qui deviendra Kanem-Bornou au XIIe siècle – est l’un des premiers royaumes subsahariens à voir ses dirigeants se convertir à l’Islam, et ce, dès le IXe siècle. Il devient cependant officiellement musulman qu’au règne de Oumé ibn Selma (1086-1098). Fondé au VIIIe siècle et situé dans l’actuel Tchad, le Kanem étend rapidement son territoire jusqu’à l’actuel Niger.
Étant l’un des premiers états à avoir reçu l’Islam de ses voisins d’Afrique du Nord, il se retrouvait entouré au Sud, de populations non islamisées ce qui permit de justifier leur conquête, leur mise en captivité et leur réduction en esclavage. Dès le XIX siècle, le Kanem participe donc activement à la traite transsaharienne.
Le reste de l’Afrique centrale se convertit au fur et à mesure via plusieurs facteurs; les alliances claniques et guerrières, la traite, ainsi que les contacts extérieurs divers, notamment avec les Peuls musulmans dont la présence étendue en Afrique centrale – de par leur nature nomade – a grandement contribué à l’islamisation de ces régions.
L’islam se répand aussi via des alliances guerrières. C’est le cas au Cameroun avecIbrahim Njoya qui suite à une victoire sur son oncle récupère le trône Bamoun via l’appui militaire des Peuls et décide de se convertir à l’Islam sous leur influence.
L’islam dans les régions du Sud de l’Afrique : une présence ancienne
L’islam chez les peuples bantus a une histoire millénaire. Ces peuples du sud du continent avaient une culture essentiellement orale. Les archives sont donc pratiquement inexistantes. L’archéologie et l’étude des ruines de certaines villes fournissent cependant des renseignements précieux. Un commerce existait bel et bien entre le monde arabo-persan et les peuples de la côte mozambicaine dès le VIIIe siècle.
On trouve notamment les traces de la fondation de Sofala dès le Xe siècle. Sofala était un port proche de l’actuelle ville de Beira, au centre-sud du Mozambique. Les marchands venaient notamment y chercher l’or et l’ivoire du Royaume de Zimbabwe, puis de l’Empire de Monomotapa. Ces échanges prouvent l’existence de contacts avec l’intérieur des terres.
L’islam suit ces routes commerciales et s’implante au départ pacifiquement, notamment au gré de mariages entre commerçants et filles de dirigeants locaux. L’appartenance à l’islam est associée à un prestige économique et social et le changement de religion peut être le fait d’un individu ou d’un groupe. Lorsqu’un chef se convertit, il devient à la fois chef politique et spirituel de son clan. Le peuple prend alors la même religion. Malgré quelques contacts avec l’arrière-pays, les conversions concernent en grande majorité des peuples côtiers.
La traite arabo – musulmane.
Nous ne pouvons honnêtement parler de l’histoire de l’Islam en Afrique sans parler de la traite arabo musulmane.
La traite transatlantique reste à ce jour l’un des événements les plus connus de l’histoire de l’humanité. Ce phénomène présent depuis la nuit des temps dans l’ensemble des sociétés humaines se traduit par la notion d’esclavage. La traite implique une systématisation de la pratique qui bouleverse l’ensemble des sociétés humaines pendant de nombreux siècles.
La traite outre-atlantique qui a vu la déportation de noirs africains sur le continent Américain par un commerce triangulaire ambulant n’est que la partie visible de l’iceberg. En effet, trois traites ont décimé le paysage africain au cours de l’histoire de l’humanité: une traite endémique qui fit l’objet d’étude approfondie dans le contexte de l’afrique précoloniale, la deuxième très connue et médiatisée est celle d’outre-atlantique et enfin la traite orientale.
Plus connue sous le nom de traite arabo musulmane, la traite orientale s’étend du VIIème au XXème siècle. Bien que beaucoup moins connue que la traite transatlantique, il s’agit néanmoins de la plus importante des trois traites négrières de l’histoire. Sa méconnaissance relève d’un tabou qui prolifère au sein des communautés musulmanes. Environ 17 millions de personnes auraient été déportées entre 650 et 1920 selon l’un des meilleurs spécialistes de la question, Ralph Austen… Un peu plus de 40% des 42 millions de personnes déportées par l’ensemble des traites négrières sont dues à la traite orientale.
La longévité de cette traite reste frappante. Treize siècles.
Elle commence avec l’expansion de l’islam au VII ème siècle et continue jusqu’au XIXème siècle au moment ou de nombreuses guerres saintes secouent l’Afrique occidentale et ou le système de plantation de Zanzibar suscite de nombreux flux négriers. L’Islam interdit d’asservir des musulmans, la demande en esclave externe à la communauté croit de manière exponentielle. Issu des pays Slaves, du Caucase, d’Asie centrale mais surtout d’Afrique subsaharienne, les esclaves sont maltraités et humiliés.
Les Africains étant les plus nombreux, il se produit une dévalorisation de l’image du noir qui est assimilé à la figure de l’esclave. De nombreux mots, comme aswad en arabe qui veut dire noir , désignaient les esclaves. Des arguments racistes et religieux sont développés et utilisés afin de justifier cette déshumanisation de l’homme noir.
Au XVème siècle, Al Wanshari affirmait : ” l’esclavage était une « humiliation » due à l’incroyance « présente ou passée ”. Un autre juriste musulman, Ahmed Baba, noir de Toumbouctou et ancien captif déclarait que la traite était une des calamités de notre époque.
La carte des traites orientales rend compte de l’importance des flux dès le Moyen Age.On y distingue clairement des régions d’exportation des captifs – Afrique occidentale, Kanem dans l’actuel Tchad, Nubie, Éthiopie, Berbera en Somalie, côte des Zang côtes de la Tanzanie et du Mozambique – et d’importation : Afrique du Nord, Alexandrie, Proche-Orient, Inde et même Chine. Certaines villes se spécialisent dans la castration des esclaves destinés à être des eunuques.
On constate que dès le VIIe siècle de nombreuses enclaves commerçantes furent établies sur la côte entre Mogadiscio dans la Somalie actuelle et Sofala, devenue Beria au Mozambique. Les esclaves étaient conduits en Arabie jusqu’en Inde ce qui reflète une traite importante 1400 et 1600.
Près de 4,3 millions d’esclaves auraient été présents dans la région en 1900 contre 2 968 000 dans l’ensemble des Amériques à la fin du XVIIIe siècle et 5 875 000 vers 1860-1870.
Dès la fin du XVIIIe siècle, l’islam se répand rapidement dans l’intérieur des terres dans la zone de l’actuel Zimbabwe et au nord de l’Afrique du Sud , notamment avec l’intensification de la traite. C’est particulièrement le cas dans les Provinces du Niassa et de Nampula. Les peuples Yao et Marave sont particulièrement impliqués comme chasseurs et fournisseurs d’esclaves. Les Shirazis sont les revendeurs. Les acheteurs viennent de tout le pourtour de l’océan Indien. Les Yao se convertissent, mais aussi les Makua, pour échapper aux razzia.
Les confréries et leur places dans l’Islamisation de l’Afrique
Au XVIe siècle se développe une effervescence intellectuelle qui attire lettrés et savants de tout le monde musulman, notamment au royaume de Songhai, et dans sa capitale, Tombouctou. Des écrits circulent, des bibliothèques et des universités se créent. L’islam n’est plus limité aux élites et au pouvoir, mais gagne d’autres catégories sociales. Des populations musulmanes de l’Afrique et de tout le monde musulman en général, affluent vers cette ville qui devient une des capitale mondiale du savoir musulman.
À l’époque coloniale et post-coloniale, l’islam historique est perçu comme « africain » ou « syncrétique », par opposition à un islam « authentique » pratiqué dans la péninsule arabique.
D’un constat établi par des européens, cela est devenu une accusation récurrente des réformistes wahhabites. Ces derniers voient dans les spécificités de l’islam local la preuve d’une ignorance des textes coranique. Les différentes confréries au fur et à mesure de leur implantation en Afrique Noire ont contribué largement aux modifications des moeurs des populations. Une vision rigoriste, visant à évincer toute pratique traditionnelle (invocation des ancêtres, fétiches, traditions ethniques etc…) apparaît donc et gagne rapidement toutes les classes sociales par l’intermédiaire des marabouts et dirigeants locaux.
Au XIXe, avec les poussées coloniales de l’Occident, face à l’agresseur chrétien, l’islam permet aux populations de se forger une identité commune, de résister. Des confréries soufies (la Tijaniyya, la Shâdhiliyya, la Qadiriyya) saisissent cette occasion pour s’implanter avec force et toucher durablement un public plus large et populaire.
Cohabitation avec le christianisme
Quand Vasco de Gama arrive sur les côtes mozambicaines à la fin du XVe siècle, il y décrit une société très organisée et « supérieure ». Les Portugais estiment que l’islam est trop bien implanté et ne tentent pas de convertir les populations des côtes. Dans le même temps, ils associent cette religion à « l’Orient », peu compatible avec la culture européenne chrétienne. Partout ailleurs où l’Islam est instauré de manière durable, le christianisme n’essaie pas de le déloger et les relations sont donc essentiellement commerciales, tout du moins, au départ.
Conclusion
L’histoire de l’arrivée et de l’essor de l’Islam en Afrique est riche en enseignement et beaucoup plus complexe que l’on ne pourrait le croire.
Les courants qui ont formé l’expansion de cette religion en Afrique sont multiples. Nous pouvons noter que de manière générale, l’Islam en Afrique a d’abord été embrassé par les rois autres têtes dirigeantes de chefferies avant de gagner les populations. Les alliances commerciales et guerrières ont par endroit, énormément accéléré l’expansion de l’Islam en Afrique.