C’est au centre Curial, dans le 19ème arrondissement parisien que nous nous sommes retrouvés le mardi 18 octobre en compagnie de l’association Ciné SCRED et aux côtés d’invités de marques pour la projection du film documentaire « Africa Mia » réalisé par Richard Minier.

Par le débat articulé autour de l’histoire du groupe Maravillas de Mali et des musiques afro-latines, on perçoit que les cultures africaines ont dépassés leurs frontières géographiques pour s’imposer comme des cultures universelles dont l’Amérique latine a été un réceptacle important.

L’Afrique est bel et bien rentrée dans l’histoire. Et elle se perpétue dans d’innombrables cultures.

C’est dans les premières années de l’indépendance que notre histoire commence. Le président de la jeune république du Mali commence alors à opérer sur tous les plans pour développer son pays. Nous sommes le 22 Septembre 1960, l’indépendance du Soudan Français est proclamée par Modibo Keïta.

L’instituteur pan-africaniste, voit alors la possibilité de créer une identité moderne et ouverte au monde à sa nation. En accord avec avec le gouvernement cubain de Fidel Castro, Le projet Las Maravillas de Mali était né.

C’est 17 longues années que Richard Minier a dédié à repartir sur les traces des membres du groupe qui a tant marqué les années 60´au Mali.

Pour la plupart retombés dans l’anonymat après quelques années de succès, c’est dans des conditions très modestes que Richard Minier retrouve certains d’entre eux. D’autres, quant à eux, n’étaient malheureusement déjà plus de ce monde au moment où le projet a débuté. Richard n’avait alors plus qu’une obsession, regrouper les éléments restants du célèbre orchestre afin de les faire jouer à nouveau ensemble.

C’est à partir de l’un d’eux; Dramane Coulibaly, originaire de la région de Ségou que Richard Minier remonte la piste de la carrière du groupe oublié et retrouve ainsi les autres membres. Dès lors débute une montagne russe d’émotions, 17 années d’aventures, d’espoirs mais aussi de douleurs et de déceptions. Nous suivons à travers les yeux de Richard Minier et de son équipe, les dures épreuves de la vie qu’ont eu à affronter Bah Tapo, Salif, Dramane, Aliou, Boncana et les autres….

Cette soirée riche en émotions était également un moyen pour nous de découvrir l’importance et surtout l’étendue des liens qui unissent l’Afrique à l’Amérique latine. Au delà d’une hybridation des sonorités, c’est un véritable lien spirituel qui unit les deux continents.

Sur scène, c’est Alex Munoz Cazieux, l’homme à l’origine de l’initiative Ciné SCRED, qui mena le débat. La conférence fut habilement axée sur la question des relations entre les musiques africaines et latines ainsi que sur le lien historique qui unit certains courants musicaux.

Binkè Traoré, pour lequel Bah Tapo, un des membres du groupe, était un véritable mentor, nous a offert un vibrant témoignage de l’importance qu’avait ces individus, tant au niveau de la musique ouest africaine qu’au niveau de la jeunesse malienne. Dramane Coulibaly, par exemple, a offert durant plusieurs années, ses services à l’INA (Institut National des Arts du Mali) pour transmettre son savoir musical à la nouvelle génération.

Rodolfo Munoz Ramírez, percussioniste originaire du Pérou qui avait profité de la même bourse que Las Maravillas pour aller étudier la musique à Cuba, nous a également fait part de son expérience et offert une prestation absolument brillante de deux instruments traditionnels, le cajou et la Quijada, la mâchoire d’âne.

Le débat fût également très politique et permit de réaliser à quel point les classes dirigeantes peuvent avoir un poids considérable sur la diffusion et la préservation culturelle. En effet, Las Maravillas de Mali était au sommet de leur art et leur succès fulgurent qui ne semblait avoir de limites, ne pouvait laisser présager une chute si brutale.

Modibo Keïta est arrêté et envoyé au camp des commando-parachutistes de Djicoroni à Bamako. Il y meurt en 1977. Le groupe est alors rappelé au Mali. Pendant sept mois, ils enchaînent les coups durs. Pas de travail, pas de paie. Le groupe commence alors à se disloquer.

En 2019; Africa Mia, le film de Richard Minier retraçant l’histoire des Maravillas de Mali, sort enfin salle. Il était clair qu’à la fin de cette projection, un Boncana Maïga désormais octogénaire, éprouvait de véritables regrets quant aux relations conflictuelles qu’il a entretenu avec le reste du groupe lors des dernières années de leur vie.

Désormais seul survivant, il a décidé, en compagnie de Richard, avec lequel il était au départ, très frileux, de rendre hommage une dernière fois à ses amis de jeunesse. C’est ainsi qu’ils se dirigèrent à Cuba, dans le même studio où le groupe passa des heures voire des mois à produire de la musique, pour y ressusciter le souvenir des Maravillas.

Cette projection ainsi que toute la soirée qui s’en est suivie, était un véritable bouffée d’air frais. Les questions très pertinentes d’Issa Niambele et d’Alex, les témoignages des artistes ainsi que les belles interventions du public, nous ont fait réaliser plus que jamais, que la musique est un lien unificateur universel, sans considération de temps et d’espace.