Aujourd’hui encore, les trois quarts des Africains vivent à la campagne. En ce qui concerne les matériaux des habitations, la plupart du temps ce sont des fibres végétales ou de la terre qui sont utilisés.

En Afrique de l’Ouest, beaucoup de familles pratiquent l’élevage, en plus des travaux des champs : la production vivrière est encore largement destinée à la consommation villageoise. Dans le hameau, les greniers qui permettent de conserver le produit des moissons sont accolés aux maisons familiales.
Souvent situés près des points d’eau ou des terres les plus fertiles, les villages perdurent au fil des siècles dans des régions où, aussi loin que remonte la mémoire collective, une activité agricole ou l’élevage ont été pratiqués. Ces petites agglomérations rurales comprennent souvent un forum qui peut être un « hangar à palabres » ou bien souvent, en Afrique de l’Ouest, un « arbre à palabres », à l’ombre duquel les anciens se réunissent pour débattre des problèmes quotidiens.
L’architecture villageoise africaine traditionnelle témoigne d’une extrême créativité. Végétal, pisé, argile : les demeures font appel aux matériaux de proximité. Dès lors, l’intégration des constructions aux paysages représente une récurrence de l’organisation de l’espace rural.
La forêt, la terre des rizières et des champs de mil, le lit des fleuves, offrent des matériaux de construction dont un savoir-faire ancestral transmet l’usage. Celui-ci unit le fonctionnel à l’esthétique en une osmose qui exprime aussi une vision du monde.
« Mieux vaut être sans maison durant la vie que durant la mort. »
Ce proverbe malgache explicite on ne peut mieux l’affirmation qui soutient que la demeure, en Afrique traditionnelle, est une représentation figurée de la cosmogonie d’une communauté et de sa perception de l’univers ainsi que des lois qui le régissent.

En effet, Il est très singulier en ce domaine, que l’habitat temporel des Malgaches des régions mahafaly, antandroy, sakalava, soit extrêmement modeste au regard des tombeaux monumentaux érigés pour les défunts : comme les pharaons de l’Egypte antique, le peuple malgache place son action et se situe dans un ordre invisible selon lequel l’individu n’est que de passage sur terre.
Or, la « maison » est aussi le symbole latent de la matrice féconde, de la féminité et de la transmission de la vie.
L’étude des architectures villageoises Africaines permet de percevoir des cadres psychosociologiques dans lesquels les individus se situent par rapport à la vie, à la terre, et au néant. Le logement est assumé socialement par la collectivité familiale, et, souvent aussi, par le village : la construction d’une maison étant en de nombreuses régions une activité de groupe, organisée dans le cadre du contexte parental élargi.

Un « sans-abri » africain est à peu près inconcevable en milieu rural, et tous les membres d’un même lignage se doivent une solidarité, un devoir alimentaire et d’hébergement. L’habitat et son organisation reflètent aussi les structures de parenté. Les jeunes enfants logent avec leurs mères et les coépouses, mais aussi avec leurs grands-mères, leurs sœurs aînées ou leurs tantes.
Le statut individuel change au moment de la puberté et souvent même avant, en fonction des critères endogènes déterminant l’âge convenant au mariage. Les principaux mouvements ont lieu lors des unions matrimoniales, et, selon l’ordre interne qui prévaut au sein du groupe, l’homme ou la femme quitte l’habitat de ses parents pour suivre son conjoint.

La construction du village et l’orientation des maisons obéissent à des règles très précises, tant sur le plan des structures de parenté, de l’organisation sociale, que par rapport à l’ordre invisible des choses et du cosmos. Ainsi, chaque élément a une signification mythique en relation avec ta religion ancestrale des Dogons; les greniers à haricots comportent six casiers qui; selon notre informatrice, Mme Madina Guindo, symbolisent les six êtres venus dans une arche repeupler la terre après le sacrifice originel du dieu Nommo.

Sur le plateau dogon, maisons et greniers sont faits de pierres et d’un mélange de paille et de terre. Chaque village regroupe un ensemble de familles qui descendent, selon les mythes originels de la tradition orale du lignage des premiers ancêtres. Tous sont placés sous l’autorité morale des anciens et, au-delà, sous celle du patriarche, le sage, le hogon.
Madagascar présente des singularités.
Hegel écrivait : « La mer donne, d’une façon générale, naissance à un type de vie spéciale. L’élément indéterminé nous donne l’idée de l’illimité et de l’infini, et l’homme, en se sentant au milieu de cet infini, en tire courage pour dépasser le limité. La mer elle-même est ce qui n’a pas de bornes et ne tolère pas, comme la terre ferme, les pacifiques délimitations en cités?. »
Madagascar est empreinte de sa civilisation insulaire spécifique. Dans toute l’île, la disposition cardinale des villages s’articule autour d’une symbolique sacralisée et mise en forme par les astrologues et les devins.
Un point prédomine dans cette hiérarchie de l’invisible l’alabamady, l’angle sacré, le nord-est, dédié aux ancêtres, et direction originelle des lointaines terres d’où sont venus les premiers malgaches. Cet angle nord-est se retrouve à la fois dans l’ordonnancement du village et dans la construction de chaque maison.

Toute construction, qu’il s’agisse d’une habitation ou d’un tombeau, procède d’un ensemble de rituels propitiatoires. La bénédiction des ancêtres et leur soutien doivent être sollicités en des libations fomba par lesquelles les vivants communient entre eux et rendent hommage aux morts.
Et, tandis qu’à Madagascar l’habitat rural (hormis sur les Hautes Terres) semble bien précaire comparé à la dimension monumentale des tombeaux érigés en l’honneur des ancêtres, souvent, en Afrique subsaharienne, les maisons sont protégées par des charmes, des statues sacrées (comme les legha du Ghana et du Togo), des ossements et des plumes. Le visible et l’invisible s’associent pour créer les harmonies et cohésions au sein du groupe.
Extraits de « Afrique secrètes » – Didier Mauro