Si tu penses comme moi, tu es mon frère. Si tu ne penses pas comme moi, tu es deux fois mon frère, car tu m’ouvres un autre monde.
Amadou Hampâté Bâ.
Le Sage de l’Afrique, le vieux, ou tout simplement Hampâté Bâ était perçu dès ses débuts scolaires et universitaires comme un homme au destin à part, destiné à laisser derrière lui quelque chose de grand. Celui qui cumulait les fonctions d’historien, ethnologue, diplomate et d’écrivain, s’est attaché toute sa vie à recueillir, accumuler, traduire et diffuser les expressions, contes et patrimoines oraux de l’ethnie peul.

Amadou Hampâté Bâ est né en janvier ou février 1900 sur la falaise Dogon de Bandiagara, au sud-ouest de Mopti, dans le centre de l’actuel Mali. Sa famille est d’ethnie peul, riche et cultivée. Le futur Sage de l’Afrique a donc accès à l’éducation dès son plus jeune âge. Dans un premier temps, c’est à l’école coranique qu’il entreprend la première phase de sa formation, aux côtés du mystique Tierno Bokar, qui avait installé son école musulmane soufie à Bandiagara.
Le père d’Amadou Hampâté Bâ était lui-même un fidèle d’El Hadj Oumar Tall. Nous pouvons donc imaginer que la famille d’Hampâté Bâ baigne depuis longtemps dans le soufisme, cette branche religieuse musulmane privilégiant un rapprochement spirituel avec Dieu par l’interaction et l’apprentissage avec un maître, et au sein d’une confrérie.
Hampâté Bâ fut élevé par une servante les premières années de sa vie. C’est à la séparation de ses parents due à la mort de son père que sa vie prend un autre tournant. Il passe d’un monde peul à un monde bamanan (bambara) ce qui lui confère une ouverture d’esprit très tôt dans sa vie. Une seconde rupture intervient lorsqu’il entre à l’école « des blancs » dans la première moitié du XXème siècle.
Encore enfant, Amadou sert d’intermédiaire entre natifs maliens et européens. Âgé de 17 ans, il obtient un deuxième certificat d’études et se prépare à passer le concours d’entrée à l’école William Ponty de Gorée, au Sénégal.
Cette école normale supérieure formait les principaux fonctionnaires de l’administration coloniale de l’empire colonial français en Afrique. Finalement, quatre ans plus tard, Amadou Hampâté Bâ est reçu à un autre concours et part terminer sa formation à Ouagadougou, future capitale de la Haute-Volta indépendante et par la suite du Burkina-Faso.

Hampâté Bâ continue de servir d’intermédiaire. Il interprète et retranscrit des contes pour les partager à celles et ceux qui n’y ont pas toujours accès. C’est en quelques sortes les débuts de sa carrière en tant qu’homme de lettres. Il collecte des histoires orales qu’il transpose à l’écrit en langue française. Une langue que le « Cèkôrôba » (le vieux) portera en lui toute sa vie puisqu’il traduira certaines expressions peules en français.
C’est de cet attachement à la francophonie d’où nous vient son fameux « Sa andi a anda a anda. Sa anda a anda a andata. » « Si tu sais que tu ne sais pas tu sauras. Si tu ne sais pas que tu ne sais pas, tu ne sauras jamais. »
En 1942, le quadragénaire rencontre le scientifique et humaniste français Théodore Monod avec qui il trouvera des éléments d’entente sur diverses opinions.
Cette rencontre décisive est l’origine du premier voyage du Sage de l’Afrique en France. En effet, en 1950, Amadou Hampâté Bâ obtient une bourse pour venir en métropole grâce à l’aide de Théodore Monod. Une fois arrivé, le quinquagénaire continue de perfectionner ses retranscriptions peuls en langue française.
Deux ans plus tard, un autre chapitre de sa vie s’ouvre avec son entrée à l’UNESCO où ses discours similaires à des fables font sensation. C’est durant sa présence à l’UNESCO qu’il défend de manière plus concrète et visible l’existence et l’importance du patrimoine immatériel.

Toujours attaché à la francophonie, il continue d’utiliser le français comme outil au service des dialectes locaux dont il se sert pour écrire, comme le hadjani, l’écriture arabe adaptée à la langue peul; mais aussi; le pulaar et l’arabe. En procédant de la sorte, il s’engage comme défenseur de ces langues.
Ce désir d’apprendre toujours plus et de partager, de diffuser cette culture lui vient de sa foi; car : rappelons le Amadou Hampâté Bâ était musulman soufie et n’a cessé de le rappeler à travers son œuvre. Aussi bien dans sa biographie que dans des ouvrages faisant allusion à son maître : Tierno Bokar.
Le vieil homme attendait la mort à tout instant. Il disait qu’il ne voyageait jamais sans un linceul dans sa valise. Pour lui, mourir ne signifiait pas la fin de l’âme mais seulement celle du corps. Le 15 mai 1991, alors à Abidjan où il réside et classe ses manuscrits et mémoires, Amadou Hampâté Bâ décède après avoir traversé presque un siècle entier.
Né aux débuts de la colonisation et mort trente ans après les indépendances du continents africains, le Sage laissa une œuvre considérable qui aujourd’hui encore fait office de référence incontournable dans le monde entier. La preuve en est que plusieurs musées et fondations portent son nom de nos jours.

Avec l’exemple d’Amadou Hampâté Bâ l’expression « en Afrique un vieillard qui meurt c’est un bibliothèque qui brûle » n’a jamais été aussi réel.
Source(s) : TV5Monde : https://information.tv5monde.com/video/encre-noire-et-page-blanche-amadou-ampate-ba-le-sage-de-l-afrique
France Culture : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/toute-une-vie/amadou-hampate-ba-1900-1991-l-homme-a-fables-7283853