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Héritage précolonial; Religions, Traditions et sexualité.

L’afrique est le territoire des esprits et des forces occultes.

Amadou Hampâté Bâ

Très peu nombreux sont ceux, qui aujourd’hui, arrivent à expliquer l’extrême complexité des systèmes religieux africains endémiques.

La tâche est d’autant plus ardue qu’en réalité, nous arrivons devant l’obstacle que présente la mission de définir une unité de pratique et une définition stable du divin aux yeux des africains, dans l’espace et dans le temps.

Néanmoins, un point commun semble se détacher et être le vecteur religieux commun dans l’ensemble de l’Afrique et c’est le “culte” des ancêtres. Étudier la place que tient l’ancêtre dans l’imaginaire africain traditionnel permet donc de comprendre le caractère sacré de la reproduction chez celui-ci.

La conservation de la lignée, le fait d’honorer les ancêtres et de soi-même en devenir un par la suite est l’une des raisons majeures pour lesquelles la descendance est, en quelque sorte, le fruit ultime d’une vie accomplie.

L’individu peut alors sourire au devant de sa possible mort physique – car il ne meurt jamais réellement – car sa descendance ne manquera pas de l’honorer dans l’au-delà, perpétuant ainsi, la chaîne de vie de la lignée.

Les religions africaines endogènes procèdent donc de principes communs; une relation de proximité entre les vivants et les ancêtres défunts (exprimée par des rituels et des cérémonies), les esprits de ces derniers pouvant interférer dans le présent et l’avenir (de façon positive ou négative); une symbolisation matérialisée des éléments du culte; par une création, un art sacré, prenant principalement pour forme la statuaire et les masques, des tombeaux richement ornés, les arts du spectacle (chants, danses) ; la croyance en un (ou plusieurs) être(s) suprême(s) créateur(s) de l’univers; la récurrence d’un mythe originel.

Ces cultes sont perpétués par la tradition orale, au sein de familles de prêtres féticheurs (chez les éwé), de forgerons (région bambara), d’ombiasy, de médiums et de possédés (cultes tromba et bilo de Madagascar). Ils génèrent des expressions artistiques élaborées et un patrimoine mythologique qui évolue et s’enrichit, du fait que, comme l’analyse Lévi-Strauss, la pensée mythique est par essence transformatrice. Chaque mythe, à peine né, se transforme en changeant de narrateur.

On confère aux ancêtres le pouvoir d’interférer dans le présent comme dans l’avenir. Voilà pourquoi il n’est jamais bon de les contrarier. Aussi des rites sexuels très codifiés sont observables chez les Bahutus et Batutsis du Rwanda. 

Enfin, toute la terre africaine elle-même est considérée comme sacrée. Nos arbres, sources, lacs sont autant de lieux de culte liés à l’essence vitale de la planète.

De fait, il est indispensable d’avoir une descendance nombreuse, à la fois pour honorer l’ascendance défunte et pour devenir soi-même un ancêtre et s’inscrire de façon créative dans la chaîne de continuité de la vie.

Les expressions les plus riches de cette cosmogonie sont certainement celles générées par ce que Pierre Vérin définit comme l’osmose entre les apports asiatiques originels avec les éléments identitaires africains dans ce monde à part qu’est Madagascar. Sur cette grande île singulière, profondément asiatique tout autant qu’africaine, la grande majorité de la population honore les ancêtres dans des rituels sophistiqués dont les plus connus sont les cérémonies de famadihana après les avoir sortis du tombeau pour quelques heures, les vivants font danser les morts avant de leur offrir de nouveaux suaires) et de tromba (cérémonies de possession durant lesquelles l’esprit d’un défunt intègre le corps d’un médium, comme dans les rituels yoruba et leurs dérivés santeria, macumba, etc.)

L’art funéraire malgache rejoint celui de l’Égypte et de la Chine pour ce qui est de l’architecture des tombeaux ornés de fresques et de stèles tandis que les sépultures sont intégrées aux paysages.

Ici, le lien ontologique est signifié symboliquement par la magnifique statuaire dite « érotique » sakalav que Jacques Lombard a analysée avec finesse : les statues représentent des couples hommes et femmes, mais aussi oiseaux) ayant des relations sexuelles. Et cette expression, qui semble étrange aux voyageurs les plus eurocentrés, a un sens pourtant des plus explicites: sur les tombes dans lesquelles reposent les morts, s’expose la figuration artistique d’une logique liée à Madagascar: Mandrosoa. La communion des vivants avec les ancêtres : procession de famadihana.

Dans la cosmogonie endogène : la sexualité est plaisir voluptueux tout autant que mouvement de perpétuation du fil continu de la vie en ce sens que  » l’acte sexuel peut en effet être vécu comme un retour symbolique sur l’invisible terre de l’origine depuis laquelle tout arrive à la naissance, immanente dans le sein de chaque femme où se déplace le point perdu de la personne (…) La consommation physique de l’amour devient alors la cérémonie suprême de réunion féconde et convulsive avec le plus haut point de fascination. »

Eros transcende Thanatos en un paradigme dialectique que représentent la statuaire et les fresques. Et au-delà des ancêtres se situent Andrianahary ou Zanahary, l’ancêtre primordial, le seigneur des ancêtres.

Il s’agit d’un être suprême dont la représentation théorique est proche de l’empereur céleste de la religion chinoise traditionnelle. L’hommage des Malgaches à leurs ancêtres passe par le vecteur des constructions funéraires (tombeaux, statues, stèles, pierres levées) et par les cérémonies dont la plus emblématique demeure le famadihana (cf. Madagascar l’île des ancêtres/ Madagascar l’île mère)

L’Afrique continentale a aussi, bien évidemment, élaboré des systèmes religieux très organisés.

Ainsi, le prix Nobel de littérature nigérian Wole Soyinka rappelle que « le panthéon yoruba est particulièrement riche et complexe ». Du fait des migrations locales depuis la région yoruba jusqu’aux villages éwé, cette religion africaine connaît en 2000 une extension de son influence, amplifiée par l’officialisation des fêtes vaudou au Bénin, au Ghana, au Nigeria et au Togo.

Sur l’autre bord de l’océan Atlantique, les descendants des esclaves déportés durant la Traite ont réadapté les cultes partis vers l’Amérique dans l’imaginaire collectif des hommes et des femmes arrachés à la terre d’Afrique. Et dans les lieux de servitude des Antilles, des Caraïbes et des Amériques, les cultes dérivés de la grande religion africaine des Yorubas exprima l’insoumission, la révolte, la recherche des racines identitaires, le refuge face aux tortures, aux viols et aux humiliations.

Les noms des cultes varient en fonction des spécificités locales issues d’un même fonds commun: à Cuba la santeria, au Brésil la macumba, en Haïti le vaudou… Ce sont de véritables religions structurées : « Le panthéon vaudou compte de nombreux loas ou esprits, parmi eux Damballah-Wedo, le dieu-serpent perfide et puissant, Erzulie Freda, déesse de l’amour, coquette, égoïste et sensuelle, et Agué, le dieu aux yeux clairs venu de la mer. Les loas s’aiment, se haïssent, se jalousent, se quittent et se retrouvent car rien ne peut les séparer » Et l’analyse que faisait Alfred Métaux en 1958 est d’une actualité accrue au XXI siècle : « En tant que système religieux, le vaudou n’a rien perdu de sa force créatrice »

Nous retrouvons aussi une certaine sacralisation de la sexualité. Non répudiée au rang d’acte marginal de la vie d’un individu, ni jugée sous le jour d’un manichéisme assumé que l’on pourrait attribuer à certains penchants religieux contemporains, la religion laissa à l’acte sexuel et ses symbolismes, l’espace de s’exprimer pleinement dans l’inconscient collectif.

Le corps, ainsi démystifié, à travers le récit, montre une volonté de compréhension profonde de celui-ci et de transmission de cette même compréhension aux générations futures. Il n’est ni rare ni déconvenant, d’entendre parler de l’anus de quelqu’un dans un conte visant à être raconté à des individus de tous âges, y compris les jeunes enfants.

Partie du corps comme une autre, elle ressort d’un tout qui est ainsi normalisé. L’anus comme les organes reproducteurs, les seins, autant d’éléments qui, par pudeur, chez certaines sociétés ne manqueraient pas d’être occultés chez d’autres cultures, sont ici décrit sans complexes, parfois moqués, parfois glorifiés, ils sont les représentants d’une symbolique profondes des états et des fonctions multiples de l’âme humaine et de son rapport avec l’invisible.

On dit d’ailleurs en pays Malinké que les portails humains sont au nombre de 7. 7 qui représentent le nombre d’orifices corporels visibles, à savoir, les oreilles, les yeux, les 2 narines, la bouche et enfin l’anus.

Sources : 

– Afriques secrètes, Didier Mauro

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