« La musique est l’expression parfaite d’un monde idéal qui s’exprimerait à nous par le moyen de l’harmonie. »
Albert Camus
Il n’existe à travers l’histoire aucun peuple n’ayant jamais fait de musique. La musique et les chants agissent comme des ciments autour desquels des groupes se constituent ou se solidifient. La musique comme les chants sont généralement utilisés pour exprimer ou provoquer des émotions, mais s’avèrent utiles lorsqu’il s’agit d’aborder certaines problématiques sociétales.
Dans notre tour du continent, nous nous arrêterons un instant au Burkina Faso, anciennement La Haute-Volta, afin d’ériger les traits d’un musicien et chanteur célèbre mais pourtant oublié.
Ne perdons pas plus de temps et plongeons dans le passé du Troubadour de la Savane, j’ai nommé Pierre Sandwidi.

Pierre Sandwidi est né en 1947 au centre de la Haute-Volta à Boulsa. C’est à l’âge de treize qu’il commence à apprendre la guitare, le jeune homme obtient son bac quelques années plus tard et devient infirmier à l’hôpital Yalgado Ouedraogo dans la capitale voltaïque : Ouagadougou.
C’est en 1965 que son appétence pour la musique l’amena à être technicien à Radio Haute-Volta. Pierre en profite pour peaufiner son répertoire de guitare. En effet, les chansons sont diffusées sur la radio nationale et enregistrées en direct. Une aubaine pour les « vedettes en herbe », surnom désignant les nouveaux talents musicaux voltaïque dont fait parti notre troubadour.
Par la suite, le musicien en devenir est amené à sillonner le pays pour le compte de l’Institut de Recherches pour le Développement (IRD) où il s’imprègne des différentes cultures et traditions, ce qui alimente par la suite son expérience et son répertoire musical.
À son retour dans la capitale, Pierre se syndicalise tout en poursuivant ses efforts et apprentissages dans la musique.

Dans le cheminement logique des années 1960 il entre au Ballet National de Haute-Volta, calqué sur les ballets guinéens de Sékou Touré, et effectue plusieurs voyages. Pierre y est guitariste et se produit au Niger, en Côte-d’Ivoire, au Bénin et également au Canada en 1973.
De retour en Haute-Volta, c’est un nouveau chapitre de sa vie qui s’ouvre puisqu’il rencontre Idrissa Koné, un entrepreneur culturel ayant sous sa coupe deux maisons de productions et radios. Les deux hommes se rencontrent à Bobo-Dioulasso, une ville située au sud du pays.
Le courant passant bien, Pierre accepte d’enregistrer un titre avec Idrissa Koné, ce qui donna la chanson nommée Lucie. Cette chanson d’amour composée avec des paroles « franco-mandingues » mélangée avec des aires français et afro-cubain. La marque Disques Paysans Noirs sponsorise ce titre.
Pierre Sandwidi démissionne de l’IRD pour se consacrer à la musique ce qui lui permet en 1975 d’enregistrer deux 45 tours. Il réitère son exploit l’année suivante en enregistrant trois nouveaux 45 tours. Il enregistre également Marietou dans les années 1970. Cette chanson est considérée comme un exemple parfait de callao. Le callao est un type de danse lancée par Pierre Sandwidi lui-même, inspiré par la gestuelle d’un oiseau sahélien du même nom.

Pierre Sandwidi se démarque à l’image d’un Farka Touré car il aborde les problématiques sociales et sociétales de son pays. Ses chants tournant en satire l’exode rurale vers les grandes villes du pays lui crée une réputation d’artiste engagé. En 1977, il sort Yamb ney capitale (La capitale est à vous) qui est considérée comme une de ses plus belles chansons. Le disque se vend à presque 3000 exemplaires ce qui est un record dans le pays.
Toujours engagé socialement, il retourne à Abidjan pour enregistrer son premier album toujours axé sur les problématiques que subit la Haute-Volta.
Durant la révolution Sankariste de 1983 à 1987, le troubadour s’investit davantage en politique en tant que militant d’un des Comités de Défense de la Révolution (CDR). Cela lui permet d’organiser des activités culturelles dans son quartier.
Cependant, à la mort de Thomas Sankara; personnage culte de la fin du XXème siècle dont Histoires d’Afrique vous avez déjà dressé le portrait dans un article précédent; Sandwidi quitte le milieu politique. Il se consacre alors à la rédaction de pièces de théâtre et compose des chansons. Sa dernière sort en 1995 soit trois ans avant sa mort.

Le troubadour de la savane ne résiste pas à sa maladie et s’éteint en 1998 à l’âge de 51 ans. C’est ainsi que se termine le destin d’un homme à part qui a su marquer les générations de son temps par son engagement politique et social mais surtout par sa musique.
Bien que la postérité soit quelque chose de difficile à obtenir, tout vient à point à qui sait attendre puisqu’après avoir été oublié de nombreuses années, Pierre Sandwidi s’est vu réhabilité pour la dernière fois en 2021 aux côtés des plus grands comme Amadou Balaké ou Abdoulaye Cissé.
Sources :
- – Pan African Music : https://pan-african-music.com/pierre-sandwidi-le-troubadour-de-la-savane/
- – Radio Nova : https://www.nova.fr/news/pierre-sandwidi-dans-les-70s-le-son-du-burkina-faso-19937-14-05-2018/